Alzheimer et danse
À propos d’un atelier que j’ai animé à La Parenthèse, accueil de jour de l’HP de Lisieux pour personnes âgées dépendantes atteintes de la maladie d’Alzheimer, d’octobre 2021 à mai 2022.
Comme chaque semaine en arrivant pour l’atelier, je les trouve attablés devant un café et la revue de presse, conversation autour des bonnes nouvelles du jour. L’équipe m’accueille comme on accueille quelqu’un de familier et je peux presque les sentir fouiller leur mémoire pour y retrouver quelque chose de moi, tant leur regard en est troublé.
Le lien est chaque fois à reconstruire avec ces personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Toutefois, ce n’est plus la page blanche des tous premiers instants. Sans le savoir, ils se souviennent. À mesure que l’atelier se déroule, ce qui s’y joue en témoigne. Ils ont oublié comment je m’appelle mais ils semblent savoir qu’ils peuvent se sentir en confiance avec moi; ils n’ont aucune idée de ce que nous faisons habituellement ensemble mais certains mouvements s’inscrivent au fil des séances à même leur corps. Progrès sans doute dérisoires, assurément fragiles et impossibles à mesurer. Mais le plaisir lui, quand il est là, est bien manifeste (et n’est-ce pas là l’essentiel?), une victoire, même éphémère, sur leurs angoisses latentes, sur ce fond de tristesse qu’il me semble voir peser parfois sur leurs corps.
Corps conscients, en mouvement, dans un geste délivré, partagé.
Retrouver quelque chose d’une spontanéité de l’enfance, s’abandonner aux souvenirs réveillés par une musique, se prendre les mains, goûter la bienfaisance de ce peau-à-peau, du bout des doigts, être bougé par le mouvement de l’autre, se laisser bercer, jouer, rire, retrouver un peu de l’ivresse du rythme, de la dépense de soi… la danse comme réveil d’un être à soi et au monde par la présence du corps.
10 mai 2022